28 Avr, 2021

Terre et architecture urbaine : bientôt des logements en terre crue à Bagneux !

La façade de l’immeuble en briques d’adobe propose une reconnexion à la nature et à la terre…


Sous l’impulsion de l’arrivée prochaine des lignes de métro 4 et 15, Bagneux se transforme et crée l’ÉcoQuartier Victor Hugo. Reflet de l’engagement écologique de la ville, ce nouvel écoquartier, récompensé à deux reprises en 2019 et 2020, fait partie des « 100 quartiers innovants et écologiques » soutenus par la Région Île-de-France.

Afin de favoriser la convivialité, la solidarité et le bien vivre ensemble, la municipalité ambitionne de proposer des nouveaux espaces de vie et de respiration, avec des logements de qualité, dans un cadre de vie respectueux de l’environnement.

C’est au cœur de cette ZAC Victor Hugo qu’un immeuble en terre crue va bientôt sortir de terre !

Confié à toa architectes associés, ce projet compte 42 logements résidentiels sur 5 étages.

Construire en terre crue en milieu urbain n’est pas une première pour les architectes de TOA. Au premier semestre 2019 ils ont livré à Nanterre, la première école en terre crue d’Île-de-France, un chantier hors norme avec plus de 300 tonnes de terre à pisé mises en oeuvre.

Rencontre avec Olivier Méheux, architecte, cofondateur de l’agence toa architectes associés.

 

Q : Le groupe scolaire Miriam Makeba est votre première réalisation en terre crue. Livré en 2019 ce bâtiment BEPOS fait aujourd’hui figure de « prototype » avec 1300 m2 de murs en pisé. Vous avez, depuis, signé un nouveau projet en terre crue. Qu’est-ce qui a motivé le choix de la TERRE dans le projet de logements de Bagneux ?

Olivier Méheux : « Nous avons en effet déjà construit en terre crue. Notre expérimentation s’est faite avec la construction de l’école de Nanterre. A l’époque notre interrogation était double : est-il possible de construire en terre crue un bâtiment accueillant du public en Ile-de-France ? est-ce que la terre a un sens en milieu urbain dense ?

Deux ans après avoir livré ce bâtiment BEPOS, nous pouvons dire que les 300 tonnes de terre crue mises en œuvre pour la construction des 1300 m2 de murs en pisé ont non seulement contribué à la performance du bilan carbone mais également au confort de vie dans les espaces intérieurs. Grace à son inertie et à ses qualités hygrothermiques, la terre crue est une solution bioclimatique, peu énergivore, qui a toute sa place dans l’architecture urbaine.

Pour le projet de logements à Bagneux, la ville souhaitait innover et construire bas carbone pour être en phase avec ses enjeux écologiques. La Mairie affichait la volonté de privilégier des matériaux durables et biosourcés avec une ouverture sur des solutions autres que le bois. Nous avons donc proposé à la maitrise d’ouvrage de recourir à la terre crue, en l’occurrence avec des briques d’adobe. »

 

Q : Vous avez déjà construit en pisé. Aujourd’hui vous innovez avec les briques de terre crue. Pourquoi avoir choisi l’adobe et non le pisé ?

Olivier Méheux : « Chaque nouveau projet est pour nous l’occasion d’expérimenter, d’ouvrir un peu plus le champ des possibles. Nous sommes toujours dans une démarche d’innovation, de recherche, pour apporter des solutions novatrices qui répondent à la fois aux attentes des donneurs d’ordre de bâtir bas carbone et à celles des futurs habitants en quête de qualité de vie et de sens.

L’école de Nanterre a permis une première expérimentation de la terre crue. Elle fait figure de prototype d’utilisation de la terre crue en système urbain dense. Mais construire en pisé requiert l’obtention de l’Atex et s’applique pour des bâtiments plafonnés à 1 ou 2 étages.

Nous voulions donc explorer d’autres approches, voir s’il était envisageable de construire en terre crue sans Atex et de le faire pour une construction de plusieurs niveaux, pour en quelque sorte « normaliser » l’utilisation de la terre en milieu urbain dense. C’est ce qui a motivé notre choix de l’adobe.

Le projet d’immeuble résidentiel de Bagneux permet cette nouvelle expérimentation de la terre crue dans un système conventionnel sans Atex. Les briques d’adobe étant considérées comme des « petits éléments de maçonnerie », nous nous adossons au BTU Petite Maçonnerie en appliquant les normes et en les adaptant à la brique en terre crue (adobe). Pour la certification des briques d’adobe, en l’absence de norme française, nous envisageons de nous adosser à la norme allemande. Cette démarche nous permettrait de produire des briques de terre crue certifiées par un organisme agréé.»

 

Q : D’où proviendra la terre crue que vous allez utiliser sur le chantier ?

Olivier Méheux : « La question du sourcing de l’adobe est toujours à l’étude. Pour assurer l’ouvrage nous devons garantir l’origine et la qualité de la matière. Également certifier que la brique va répondre à des enjeux de densité, d’hygrométrie ou de perméabilité.

La terre est un matériau vivant, hétérogène. Les briques d’adobe ne doivent pas être trop cassantes ni trop poreuses. La terre crue doit être suffisamment tassée mais pas trop avec un peu d’air et d’eau pour que les sédiments puissent bouger et favoriser la bonne cohésion des éléments.

Pour rester en circuit relativement court, nous nous sommes rapprochés de la briqueterie d’Allonnes, que nous connaissons bien, pour voir s’ils pouvaient fabriquer des briques de terre crue (et non de terre cuite comme ils en ont l’habitude). Leur solution, qui est actuellement à l’étude, est d’ajouter des fibres de lin à la terre crue pour obtenir un produit pas trop compacté. »

 

Q : Les briques d’adobe seront visibles sur la façade de l’immeuble, est-ce un parti-pris purement esthétique ?

Olivier Méheux : « Montrer la terre crue participe à la sensibilisation et à la pédagogie autour de ce matériau sain et naturel. Il était donc important pour la Mairie, dans le cadre de ce projet de logements qui jouxte l’écoquartier, que la terre soit visible de l’extérieur, et par la même, qu’elle invite à une reconnexion à la nature.

Montrer pour sensibiliser, inciter à redécouvrir et donner envie. Notre conviction chez TOA est que pour arriver à faire évoluer les mentalités dans l’architecture, pour parvenir culturellement à habituer les citadins à vivre dans des bâtiments en terre, un travail de pédagogie est indispensable. Chaque nouvelle expérimentation participe à cet éveil des consciences et à cette ouverture sur des nouveaux matériaux sains et naturels qui répondent aux enjeux sociaux et environnementaux d’une ville en profonde mutation.

Néanmoins laisser l’adobe visible en façade nécessite certaines précautions car le principal ennemi de la terre crue est le ruissellement de l’eau. Il lui faut donc « des bottes et un chapeau » comme nous avons coutume de dire. Dans ce projet, les coursives tout autour du bâtiment protègent les murs en adobe des assauts de la pluie.»

 

Ci-après la maquette de l’immeuble avec, indiqués en marron, les murs en briques d’adobe :

Q : Si vous deviez vous projeter dans l’avenir, quelle serait selon vous la prochaine expérimentation de TOA ?

Olivier Méheux : « Chaque projet est pour nous l’occasion de questionner, d’explorer, de réinventer. L’intuition vient avec chaque projet, elle nait de nos aspirations et se nourrit en allant puiser au cœur même des enjeux sociaux et environnementaux pour apporter des solutions nouvelles et des réponses concrètes.

En ce moment nous mettons le végétal au coeur de la capitale avec la façade fleurie de la Mairie du XVII ème arrondissement de Paris : « la République en fleur »  et nous expérimentons le béton chanvre à Strasbourg dans le cadre de la reconversion d’un bâtiment historique. »

 

 

L’équipe de rédaction de ArchitectureTerreBois.fr

 

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